Le verre et l’abîme
J’aurais beaucoup à dire sur l'alcool. Il aurait sans doute aussi beaucoup à dire sur moi. L’ivresse est-elle un mirage ou une révélation ?
Ce que j’aime avec lui, c’est le premier frisson.
La fameuse première gorgée.
Allez, les dix premières.
Après le troisième verre, il me saoule. Et me distord.
Il commence par une caresse et finit dans le flou. Pas toujours artistique.
Mais il revient, souvent. Il sait comment séduire.
Il a l’allure de l’innocence, le goût de l’évidence.
Il est léger. Il s’installe sans bruit. Il glisse entre mes doigts.
Il murmure :
"Don’t worry baby, I’m here…”. Il parle anglais, parfois italien.
Et j'ai beau me croire forte, j'aime quand on me soutient.
Avec lui tout devient plus fluide, plus doux.
Parfois plus saillant, mais on aime ça, l’intensité.
Le vertige sans la chute.
Le premier verre révèle mes désirs.
Le deuxième, mes failles.
Le troisième, ce que j’aurais dû taire.
Ou dire ailleurs,
dans la clarté d’un ciel d’été.
Il est l’invité drôle et charmeur,
celui qu’on laisse entrer pour être sûr
que la nuit ne sera pas vaine.
Celui qui souffle :
"Ne pense pas, danse."
Quand il est là, le feu monte lentement,
le panache grise le corps,
le réel se met à frémir,
la libido s’emballe.
Mais si un soir il fait faux bond ?
S’il ne s’invite plus dans les verres, ne met plus le feu aux corps,
si la fête doit se tenir sans lui ?
Alors… où convoquer la joie ?
Dans notre chair brute ? Notre âme d’enfant?
Dans nos regards sans brume et nos gestes tremblants ?
Dans cette force qui ose le silence ?
Il n’est pas qu’un illusionniste qui promet des feux d’artifice.
Il a un esprit… qui pénètre le nôtre.
C’est un peintre impressionniste, un chamane.
Il efface les contours et révèle :
L’énergie. Brute. Comme Van Gogh.
Le secret des étoiles, le mystère des corbeaux, la magie du facteur.
Quelque chose d'abyssal. D'ancestral. Entre Dieu et le diable.
Le problème avec lui, c’est qu’on ne sait jamais si on en a un.
De problème avec lui.
Car un problème, ça doit être évident, non ?
Ça devrait marteler le crâne un lendemain de trop.
Ça devrait hurler son nom dans la nuit.
Mais les problèmes élégants ne crient pas.
Ils s’installent en silence,
ils deviennent des compagnons discrets,
une béquille existentielle.
Quelle est la différence entre l'antidote et le poison ?
La dose ? Ou la conscience ?
Longtemps, j’ai bu non pas comme Bukowski,
mais pour la même raison
arrogante et cynique :
rendre les autres intéressants.
En vérité je buvais
pour rester parmi eux.
Pour ne pas prendre mes jambes à mon cou
au bout de vingt minutes
et me reclure dans ma tour d’ivoire,
où rien ni personne ne me menace.
(Sinon moi-même.)
J'étais une gamine curieuse,
parfois extravagante,
mais profondément timide.
Et vous ?
L’alcool est cette corde
tendue au-dessus du vide,
entre nos visages morcelés,
entre ce qu'on veut hurler
et ce qu'on n’ose à peine balbutier.
Alors… tchin tchin ?
Boire ou ne pas boire,
telle n’est pas la question.
Voir.
Voir vrai.
Voir au-delà du verre.
Plein ou vide.
Cristallin, coloré,
ou brisé.
Voir.
Sentir.
Et ensuite trinquer.
Tchin !
Et vous, qu’avez-vous découvert au-delà du verre ?
L’alcool vous révèle-t-il… ou vous égare-t-il ?
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Texte magnifique ! La béquille existentielle… le problème élégant… C’est beau.
L'alcool, il y a beaucoup à dire sur lui. Compagnon fidèle qui révèle la beauté comme la noirceur de l'âme. Il y a de la magie lorsqu'il dévoile ses différentes teintes ambrées dans un verre en cristal. C'est aussi celui qui permettra es rencontres fugaces comme celle les coups de foudre. C'est un compagnon d'amitié, de partage, de disputes, d'éclats de voix et de verre brisé. Il est aussi celui qui marque nos chagrins d'amour, comme nos moments d'allégresses. il nous entraine dans nuits interminables et mémorables de bars louches comme au comptoir lustré des palaces. Il nous a plus souvent apporté de la joie que la tristesse et nous laisse de beaux souvenirs de nuits.... Alors Tchin