La nuit où j'ai existé
Il y a des nuits qui vous transforment. Où quelque chose bascule. J’avais sept ans et cette nuit-là, pour la première fois, j’ai su que j’existais.
Ma mère venait de mourir et la vie me passait dessus sans filtre, directement sur la peau, sur les os.
Ce soir-là, je dormais chez mon amie Adeline. Enfin, les autres dormaient, j’étais la seule éveillée. C’était mon angoisse absolue : être la dernière, seule dans l’obscurité, tandis que le monde s’enfonce ailleurs, hors d’atteinte. Ne pas réussir à glisser moi aussi dans cet autre monde, celui qui demande si peu d’effort.
Clarisse...
Mais cette nuit-là, quelque chose a changé.
J’avais les yeux grands ouverts.
Je ne luttais plus.
Clarisse !
Je me suis levée et j’ai regardé par la fenêtre.
J’ai vu les chemins de fer du nord de Paris s’étirer à perte de vue.
Leurs lignes métalliques, nettes et insondables. Les rails en fuite, engloutissant le silence de la nuit.
Ils brillaient sous les halos des lampadaires. Les lueurs, des tâches de beauté, des signes impossibles à ignorer.
C'est là, pour la première fois, que j'ai senti cette chose immense et bouleversante.
J’existais.
Je n’étais plus seulement la fille de, la sœur de, la pauvre orpheline, l’amie d’Adeline.
J’étais Clarisse.
Avec tout ce que cela impliquait et soulevait. Et je n’en avais aucune idée. Mais j’étais prête. Et même excitée à l’idée de le découvrir.
C’était une promesse.
Un vertige.
Un appel.
Et je n’ai plus jamais eu peur du noir.
Ni du sommeil des autres.
👁 Et vous ? Y a-t-il eu une nuit, un instant, un vertige où vous avez compris que vous existiez ?
Coup de cœur ! Exactement l’écriture pour laquelle je vous aime ! Heureuse de découvrir ce nouveau lieu pour vous lire.
Merci Maud, t’es vraiment un ange terrestre :)))